« Osez notre grain de passion dans votre quotidien ! »
Le mode de récolte pratiqué dans les marais salants de la presqu’île guérandaise a été mise au point il y a plus d’un millénaire, sans doute par les moines de Landevenec installés à Batz sur Mer depuis 845. Il fait suite à une exploitation dite ignigène, répandue sur l’ensemble du littoral atlantique français, qui nécessitait beaucoup plus de main d’œuvre et l’emploi du feu.
La récolte ne peut avoir lieu que lorsque le système est arrivé à saturation (plusieurs mois de chauffe), et donc que les conditions climatiques sont favorables : chaleur, vent, absence de pluie. Le climat présent au nord de la Loire induit une saison de récolte courte s’étalant de juin à début septembre en moyenne.
La récolte dite « sel sur sel » n’est pas possible pour le Sel de Guérande. Cette technique consiste à gratter uniquement la couche supérieure de sel avant qu’elle ne soit trop dure, En effet il faut précédemment « culotter » les cristallisoirs pour empêcher le contact avec le fond. Ceci nécessite d’y consacrer beaucoup de sel qui est de fait perdu. La moyenne de 1,3 tonnes de sel produit par œillet sur Guérande ne représente que 2 cm répartis sur sa surface, une trop grande partie de la récolte serait sacrifiée.
Plus au sud du littoral cette technique est pratiquée car elle simplifie beaucoup la récolte qui peut avoir lieu en marchant dans les cristallisoirs, à une fréquence de 4 à 8 jours, mais surtout de manière mécanique une fois par an.
Cliquez pour agrandirUne récolte journalière directement sur le fond d’argile est de fait obligatoire pour le sel de Guérande. Notre produit est donc beaucoup moins dur, c’est cette particularité qui fait depuis toujours la qualité de notre sel, et apporte au sel de Guérande et à la fleur de sel de Guérande leurs spécificités physiques : la couleur, la texture friable, chimiques : un sel naturel plus riche en minéraux (magnésium, calcium, potassium, oligo-éléments), et organoleptiques : un goût sans amertume, ni piquant.
Au 18ème siècle déjà on constate que les étrangers le préféraient pour ses qualités hygroscopiques et déliquescentes, et ses gros cristaux dotés d’un fort pouvoir déshydratant qui fait sortir l’eau des denrées et fait « lever la saumure ».Il était aussi réputé pour sa blancheur et sa faible quantité de particules terreuses.
Cliquez pour agrandirL’eau de mer saturée présente dans les œillets s’évapore donc l’été sous l’effet du soleil et du vent. Le sel cristallise, on dit que le marais « travaille ». Ce phénomène commence en fin de matinée, et on voit des petits cristaux fins et légers flottant à la surface de l’eau, qui finissent par s’agglutiner en fines plaques réunies par l’effet du vent. C’est la fleur de sel « sel blanc ou sel menu », cette cristallisation de surface est d’autant plus abondante que l’eau est chaude, et donc que la différence de température avec l’air (plus froid) est importante.
Au même moment le fond de l’œillet étant lui aussi plus froid que l’eau, le sel cristallise sur l’argile. C’est le gros sel, qui lui aussi, est d’autant plus fin que l’eau est chaude.
Parfois s’il fait trop chaud pendant plusieurs jours (voire semaines) le fond d’argile devient très chaud, il n’y a plus de différence de température, la cristallisation ne se fait plus et l’œillet se couvre de poudre. On dit qu’il est « cuit », c’est le seul moment où le paludier souhaite un peu de pluie pour remettre tout en ordre.
La récolte se fait donc tous les jours d’été quand les conditions optimales sont réunies :
La « cueillette » de la fleur doit idéalement se faire le plus tard possible dans la journée pour que la quantité soit importante, et que le grain soit assez formé.
La « prise » du gros sel peut se faire à n’importe quel moment de la journée, mais sans déranger la formation de la fleur, c’est-à-dire soit tôt le matin avant qu’elle ne se forme, ou tard le soir après sa cueillette.
Avant de bouger l’eau pour récolter le gros sel, la fleur est donc cueillie délicatement à la surface à l’aide d’une « lousse ». Ce travail était il y a quelques décennies réservé aux femmes et aux enfants.
Cette opération si elle doit être délicate, ne nécessite un coup de main que pour aller vite. Un néophyte peut très bien ramasser de la fleur de belle qualité, c’est pourquoi cette tâche est bien souvent déléguée. Un œillet produit en moyenne 2 kg de fleur de sel par jour.
Une fois la fleur de sel récoltée, la prise du gros sel est possible, elle ne peut se faire que dans l’eau directement sur le fond, « la mère » du marais. Avant la prise, le paludier alimente alors les œillets en eau en ouvrant l’aderne celle-ci va se déverser par le délivre, et procurer la saumure nécessaire à la formation du sel pour la prise du lendemain. Cette opération s’appelle « douiller ou dourer », terme venant du breton « dour » qui signifie eau.
Le paludier pousse ensuite l’eau contenue dans l’œillet (à l’aide d’un outil appelé « lasse ») celle-ci entraîne le sel vers la plateforme centrale appelée « ladure ».
Le sel est ensuite tiré vers cette plateforme, puis « hâlé » pour former une « ladurée ». Le hâlge (opération qui consiste à sortir le sel de l’eau une fois amassé devant la ladure), était traditionnellement réservé aux paludières qui travaillaient avec un « boutoué » plus petit que le lasse. La prise, plus pénible, était réservée aux hommes. Cette opération nécessite savoir-faire, habileté et force physique, la qualité du sel en dépend, elle ne peut donc pas être déléguée. Le geste doit être précis, délicat et puissant, cette intervention est bien codifiée et trop peu de paludiers aujourd’hui, le font de la belle manière des paludiers du bourg de Batz ! Il nous fallait bien des années d’apprentissage avant d’être autorisé à effectuer la récolte « prendre un marais ».
Ce gros sel est formé de cristaux de couleur grise et de taille variable, suivant les conditions météorologiques.
La récolte de ce gros sel ou sel gris est de 50 à 70 kg par jour, par œillet.
Ce sel s’égoutte sur la ladure puis est « porté » (en référence à l’ancienne technique sur la tête) à l’aide d’une brouette, mis en tas appelés « mulon » sur le « trémet ».
Le sel est ensuite « roulé » à l’aide d’engins agricoles pour être stocké dans des « magasins à sel » ou des silos sous bâches.